L’affaire Dangote C les héritiers de Serigne Saliou est symptomatique du fonctionnement des compagnies transnationales. À la recherche effrénée du profit, ces compagnies n’ont que faire de la stabilité politique ou social des pays. Le triptyque capital, investissement et bénéfice constitue leur unique ligne conductrice. Leur investissement peut s’avérer un médicament fatal car partout dans le continent leur boulimie foncière se heurte à une résistance des propriétaires locaux. Cette affaire en est une illustration parmi tant d’autres. Et les conséquences pourraient être incalculables si l’État ne prend pas ses responsabilités dés à présent pour la sauvegarde de la stabilité sociale.
La mondialisation et la libéralisation des échanges ont conduit en Afrique à de profondes mutations politiques et à une déconfiture totale des structures sociales, politiques et économiques. Ces grandes compagnies en ont une très grande part de responsabilité et sont les vecteurs de ses mutations. En plus le fait que Dangote en tant qu'africain et sa multinationale n'ont pas joué le rôle de contre-pouvoir et d'équilibre contre les dynamiques violentes et destructrices des multinationales occidentales telles que Total, ELF, Shell pour ne citer que celles là nous autorise à les considérer comme toutes pareilles.
La lutte pour le contrôle des ressources naturelles et des matières premières transforme ces compagnies transnationales en pyromanes qui vont jusqu’à armer des groupes rebelles (l’Est du Congo en est un exemple patent). Loin de nous l’idée de faire le procès de l’homme d’affaire ici, mais tout le monde s’accorde que Dangote lui-même a profité de l’instabilité de son propre pays le Nigéria avec l’arrivée de la junte au pouvoir pour bâtir son empire au début des années quatre vingt. Je rie sous cape quand certains brandissent l’argument paresseux et d’ailleurs honteux de dire que Dangote va créer des emplois. Mais à quel prix? Le bien être des populations et la création d’emplois sont loin d’être la préoccupation des ces affairistes. C’est pitoyable que certains dirigeants (élites politiques, intellectuelles ou religieuses) sont justes réduits à de simples facilitateurs, où intermédiaires en quête de dividendes par les investisseurs et hommes d’affaires. La corruption et les marchés de gré a gré deviennent monnaie courante, le tout maquillé sous le sceau du mécénat et de la philanthropie. La direction privilégiée de ces multinationales reste un État faible qui leur servirait sans doute de paradis judiciaire et un statut de quasi impunité dans la plupart des activités.
Nul besoin de dire que le Droit n’est qu’une pure invention de l’intelligence humaine. Il est juste un assemblage de dogmes, de principes généraux et de lois etc.… qui sont le produit de la vanité de l’esprit et parfois remplis de faussetés. Il ne s’agit pas ici de faire un débat sur la vérité du Droit (ce débat conceptuel est laissé aux théoriciens de la philosophie du droit), mais sur le droit à la vérité. Le juge peut dire le droit, mais malheureusement ce dernier n’est pas nécessairement la vérité. Dans un passé politique très récent au Sénégal, la majeure partie des citoyens ont estimés que les juges constitutionnels ont passé à coté de la vérité. Ce que les sénégalais ont sanctionné en votant contre Wade. Donc dans cette affaire Dangote la passion juridique est juste non avenue. Seule la vérité au sens primaire du terme pourrait prévaloir pour une solution durable. Le juridisme intempestif n’a pas sa place. La lucidité et le bons sens doivent primer. Ces valeurs constituent le socle sur lequel repose la solidité institutionnelle des plus grandes démocraties telles que les USA et le Royaume Uni (pour le premier, l'interdiction d'un troisième mandat n'est écrite nulle part dans leur charte fondamentale, pour le second, il n'y a même pas de constitution au sens sénégalaise du terme). Le bon sens, la vérité et la volonté des hommes font marcher toutes les institutions et en font un des pays les plus stables et plus prospères au monde.
Par ailleurs, le but ultime du Droit et des tribunaux demeure la normalisation les relations sociales et la garantie de la stabilité dans un commun vivre. Dans ce litige, au rythme des procédures, le dire risque de produire l’effet contraire, quelque soit le côté vers le quel les juges pencheraient. Mais aucune gymnastique procédurale des tribunaux ne pourrait donner légitimement raison à Dangote. Ce dernier a empiété sur le bien d’autrui et l’ayant même reconnu. Au nom de la vérité et de la stabilité le président lui-même doit s’y impliquer et régler le problème une bonne fois pour toutes et rétablir les héritiers dans leur droit. Que personne ne nous balance des incongruités que seul un ministre de la bonne gouvernance peut débiter à savoir que c’est un problème entre deux privés et le président doit laisser libre court à la justice. Les décrets d’attribution des terrains ont été signés par le chef de l’état, donc l’État est partie prenante au contentieux. Qui disait que l’État est une continuité? Contrairement à ce que nous veulent faire croire ses défenseurs, la continuité de l’État engage personnellement le président de la République. Sa personne incarne la plénitude de l’institution, il ne pourrait en aucun cas se débiner quelque soit la sensibilité de la situation. En plus de cela notre modèle institutionnel est calqué sur celui de la cinquième république en France où tous les pouvoirs mènent directement vers le président même si textuellement, il existe une séparation de façade. Je pense que notre jadis journaliste critique est toujours dans un état second; l’effet euphorique et exhibitionniste de son coming out!
Au contraire, dans ce dossier, le président devrait éviter l’orientation de ses soit disant spin doctors (qui ne sont d’ailleurs que des politiciens encagoulés en perte de vitesse et ne fonctionnant que par l’idéologie). La preuve, la plupart de nos analystes qui envahissaient et polluaient l’atmosphère médiatique avant le vingt cinq mars 2012 ont changé de ton, de discours et évidemment de côté. Le président de la république aurait intérêt à prendre ses responsabilités. Il dispose d’une kyrielle de prérogatives et peut trouver une solution pour éviter des conséquences auxquelles il pourrait bien s’en passer. Au détriment du capitalisme d’État qui ne gère que les intérêts affairistes, la préservation de la cohésion nationale doit être privilégiée. Au delà des tribunaux, le président de la république demeure l’ultime garant.
Cheikh Seck
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